La Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants (CIIVISE) a présenté son rapport le lundi 20 novembre 2023.
La mission a duré 2 ans.
L’avait précédé le travail, plus spécifique, de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), qui avait déjà révélé une ampleur massive du phénomène des violences sexuelles, touchant une personne sur dix !
Cette mission avait pour objet de recueillir les témoignages de victimes, formuler des préconisations quant aux réponses institutionnelles à apporter à ces dernières et reconnaitre la qualité de victimes à ceux qui dénoncent ces violences.
Le leitmotiv était le suivant : « On vous croit« .
Le rapport est très dense, fruit d’un travail titanesque.
Les constats
Ils sont accablants.
Tout d’abord, il existe un véritable déni sur ce qui est en réalité un enjeu majeur de santé publique aujourd’hui en France.
Les violences sexuelles sur les enfants, commises à 80 % par l’entourage familial, concernent 160.000 enfants par an.
On est loin de l’image de l’agresseur inconnu.
Les dénonciations par les victimes ne concernent qu’une victime sur dix et sur ce chiffre, plus de la moitié des victimes ne sont pas mises en sécurité et ne bénéficient pas non plus de soins adaptés.
Les répercussions des violences sexuelles, incestuelles ou non, sur la vie de victimes sont pourtant dramatiques.
Elles rencontrent de grandes difficultés à construire une vie personnelle, affective, familiale et sexuelle compte tenu de leurs traumatismes.
Il a pu être constaté une prévalence de dépressions, d’idées suicidaires ainsi que des conduites à risques.
Pourtant, un accompagnement adapté peut limiter les conséquences des violences sexuelles subies par les enfants.
Les préconisations
Le repérage des victimes doit être drastiquement amélioré notamment avec le questionnement de l’enfant dans les différentes sphères de de sa vie.
Cela passe donc nécessairement par une meilleure formation des professionnels en contact avec les enfants (école, centre de loisirs, médecin etc.).
Un rendez-vous dé dépistage annuel pourrait voir le jour.
Sur le plan judiciaire, la Civiise fait le dramatique constat d’une part infime de poursuites contre les auteurs, avec des classements sans suite massifs, avec 1% seulement de condamnation par an.
En ce sens, elle se positionne en faveur de l’imprescriptibilité des violences sexuelles sur les enfants.
Une infraction spécifique d’inceste est également préconisée car aujourd’hui le Code pénal ne considère qu’une circonstance aggravante
Il est également préconisé d’élargir la définition de l’inceste aux cousins puisque aujourd’hui l’inceste ne concerne que les ascendants (parents, grands-parents, arrière-grands-parents), les frères, sœurs, oncles, tantes, grand-oncles, grand-tantes, neveux et nièces et le conjoint, concubin ou partenaire de ces personnes s’il a sur la victime une autorité de droit ou de fait.
Une ordonnance de sureté pourrait voir le jour, sur le modèle de l’ordonnance de protection des femmes en cas de violences au sein du couple, prévoyant la saisine en urgence du juge aux affaires familiales.
Quelles suites ?
La Civiise était prévue jusqu’au 31 décembre 2023 ; son maintien a été décidée avec élargissement de ses missions.
La pédocriminalité en ligne et son impact sur la pédocriminalité réelle, l’accès à la pornographie, l’éducation à la sexualité des enfants et la prostitution des mineurs, soit d’autres volets tentaculaires occuperont la Civiise pour de nombreux mois à venir.
Il faut saluer l’engagement de tous sur le travail de la Civiise, victimes et professionnels et notamment celui du Juge Durand, dont l’engagement pour les enfants fait honneur.